Quel est le fonctionnement des actions collectives au Québec?
Il arrive souvent que plusieurs personnes se retrouvent dans une situation juridique qui soulève des questions de fait et de droit identiques, similaires ou connexes. Or, il peut sembler difficile, voire impossible, pour ces individus de se regrouper afin d’obtenir justice face à des « géants » dans une position de force. L’action collective (autrefois nommée « recours collectif ») est donc un véhicule procédural important dans notre société puisqu’il favorise l’accès à la justice.
L’action collective se distingue de la poursuite intentée par plusieurs codemandeurs, puisqu’elle est menée par un représentant qui agit au nom de tous les membres d’un groupe, et ce sans avoir obtenu le mandat spécifique d’agir en leur nom.
Effectivement, au Québec, le mécanisme d’option d’exclusion (opt-out) prévaut. De ce fait, toutes les personnes qui correspondent à la définition du groupe pour lequel le représentant obtient l’autorisation d’intenter une action en justice sont automatiquement parties à l’action collective sans qu’aucun geste ne soit requis de leur part. Il est toutefois possible de s’exclure de l’action collective si un membre souhaite conserver son droit à un recours individuel contre la ou les parties défenderesses.
Les personnes qui ne se retirent pas de l’action collective voient leur recours individuel éteint et sont liées par toute décision du tribunal ou tout règlement pouvant intervenir.
Prenons un exemple fictif pour illustrer le fonctionnement de l’action collective :
Madame A est abonnée au service de télécommunication de la compagnie X et elle réalise que des frais injustifiés se retrouvent sur sa facture.
Madame A discute alors de sa situation avec ses amis Monsieur B et Monsieur C qui sont également abonnés au service de la compagnie X. Elle constate qu’eux aussi se sont vu facturer des frais injustifiés et que cette problématique est probablement généralisée chez la clientèle de la compagnie X.
Madame A fait donc le choix de mandater un cabinet d’avocats afin d’intenter une action collective contre la compagnie X au nom d’un groupe de personnes défini comme étant les clients de la compagnie X qui ont payé des frais injustifiés.
Madame A, après avoir obtenu l’autorisation du tribunal, peut donc agir à titre représentante de l’action collective et le principe du opt-out a pour effet que tous les abonnés de la compagnie X qui ont payé des frais injustifiés sont automatiquement inclus dans l’action collective.
Le fonctionnement de l’action collective peut être divisé en trois étapes, soit l’autorisation, le procès et le recouvrement.
L’étape de l’autorisation, qui est propre à une action collective, est la première étape du processus. Elle a pour objectif de filtrer les demandes d’actions collectives qui ne respectent pas certains critères. L’existence de cette étape préliminaire s’explique par le caractère exceptionnel du concept de représentant et du mécanisme d’option d’exclusion.
Afin qu’une action collective soit autorisée à aller de l’avant, le juge analysera les questions de droit ou de fait soulevées par l’action collective. Ces dernières devront nécessairement être identiques, similaires ou connexes et présenter une apparence de droit. De plus, Madame A devra démontrer une cause d’action personnelle.
Il s’assurera ensuite que l’action collective est bien le véhicule procédural approprié pour mener le recours. Si nous reprenons notre exemple fictif, le groupe est composé de différentes personnes aux horizons multiples et leur lien commun se limite à se faire fournir un service de télécommunication par la compagnie X et à s’être vu charger des frais injustifiés par cette dernière. Madame A ne connaissant pas l’identité de tous les membres, il serait donc impossible pour elle de les retracer et il est clair, vu leur nombre potentiel, qu’il serait difficile, voire impossible pour ces derniers, de réunir leurs demandes en tant que codemandeurs.
En dernier lieu, le juge s’assurera de la capacité du représentant à représenter les membres de façon adéquate. En effet, il s’assurera que Madame A est une personne raisonnable et diligente qui comprend son rôle, et est en mesure de défendre les intérêts du groupe contre la Compagnie X. En effet, le rôle de représentant est important, car c’est ce dernier qui défendra les intérêts des membres qui eux ne participeront pas directement au processus judiciaire bien qu’ils seront liés par le jugement final.
Si tous ces critères sont respectés, l’action collective est autorisée, le titre de représentant est accordé à Madame A et un avis aux membres est diffusé informant les personnes visées par l’action collective de l’existence de cette dernière ainsi que de leur droit de s’en retirer dans un certain délai. Tout au long du processus, le tribunal communique avec les membres de la manière la plus efficace pour rejoindre ces derniers que ce soit par les médias traditionnels, par courriel, par l’entremise des journaux ou même par les réseaux sociaux.
La prochaine étape de l’action collective est le procès. L’action suit son cours de la même façon qu’une demande standard. Le représentant occupe un rôle important dans l’évolution du dossier à la différence des membres du groupe qui n’occupent pas un rôle actif.
Finalement, la dernière étape du processus d’action collective est le recouvrement des sommes dues aux membres de l’action collective. Cette étape a seulement lieu si le jugement tranche en faveur des membres ou si une entente intervient entre les parties. Un autre avis aux membres est alors diffusé leur expliquant comment réclamer leur part individuelle. Le juge approuve également les honoraires des avocats du groupe.
En somme, l’action collective comporte plusieurs particularités, le tout en vue de favoriser l’accès à la justice. Sans l’action collective, certaines personnes qui causent des préjudices individuels mineurs, mais répandus, pourraient négliger de considérer les impacts de leur conduite, sachant que, pour un demandeur les frais d’une poursuite dépasseraient largement la réparation probable.
Cet article contient de l’information juridique générale et ne doit pas se substituer aux conseils d'un avocat qui prendra en compte les spécificités de vos besoins.